Réponse officielle de Pierre Dunac :
Cher François-Pierre,
J’ai pris connaissance de votre lettre ouverte sur plongeur.com et je souhaitais, par la présente, vous confirmer les termes de notre conversation téléphonique afin que cette triste affaire trouve sans plus attendre l’issue qu’elle mérite.
Je regrette d’ailleurs de n’avoir eu connaissance de vos difficultés que cette semaine, soit postérieurement au début du stage auquel vous auriez dû participer, car il n’est pas dans mes habitudes de ne pas assumer les responsabilités qui m’incombent en ma qualité de président du Comité Interrégional Pyrénées-Méditerranée, et qu’en l’occurrence ce litige n’aurait assurément pas connu de tels développements.
Au-delà, je ne crois pas légitime que l’ensemble de la fédération soit ici incriminée. En effet, il faut savoir que les Commissions fédérales (commission régionale audiovisuelle en ce qui vous concerne) n’ont pas de personnalité juridique et, qu’en conséquence, ceux qui en leur sein organisent les manifestations sportives ont l’obligation de respecter strictement la réglementation afin de ne pas engager, au moins au plan civil, la responsabilité de l’organe dont elles dépendent : fédération pour les commissions nationales, comité régional ou interrégional pour les commissions régionales, comité départemental pour les commissions départementales.
Par ailleurs, il peut arriver ici comme en toute matière, qu’une réglementation qui, un temps, pouvait avoir une raison d’être, n’ait pas suivi l’évolution de la pratique et, échappant à toute vigilance, perdure. En l’occurrence, tel n’est peut-être pas tout à fait le cas puisque la Commission Médicale et de Prévention Nationale a sollicité l’abrogation de la disposition à l’origine de vos déboires et que celle-ci est donc, pour l’heure, en sursis dans l’attente de la prochaine réunion du Comité Directeur National prévue au mois d’octobre prochain.
Il faut convenir que cette disposition qui prévoit, pour la pratique de la plongée pour les handicapés, que le certificat médical de non contre-indication rédigé par un médecin fédéral « doit être visé par le Président de la Commission Médicale Régionale et de Prévention du lieu du club du licencié » est à tout le moins inique. En effet, non seulement ce simple visa n’assure pas un double contrôle, dont la légitimité au demeurant serait contestable, mais encore il instaure, à tout le moins une lourdeur administrative injustifiable et, au-delà, une forme de défiance à l’égard du médecin fédéral signataire.
Or nos médecins fédéraux sont des professionnels, au sens noble du terme, qui savent pertinemment que l’examen médical permettant de délivrer le certificat de non contre-indication engage leur responsabilité. En outre et conformément aux règles de bonne pratique en la matière, ils adressent leur patient à un spécialiste lorsqu’ils ont un doute ou ne s’estiment pas suffisamment compétents en un domaine particulier. C’est ainsi d’ailleurs que le responsable de la Commission médicale régionale a réagi, même s’il ne s’agissait pour lui que d’apposer un visa sur votre certificat, en vous adressant au médecin fédéral national de la fédération handisport.
A ce stade, je ne vous cache pas que je suis perplexe s’agissant de la position péremptoire prise par ce dernier sans examen médical préalable.
Toujours est-il qu’en ce qui concerne les membres de nos commissions fédérales il ne leur appartenait pas de prendre quelque liberté que ce soit avec la réglementation en vigueur, cette responsabilité ne pouvant incomber qu’aux instances dirigeantes.
Cependant, il demeure :
- d’une part, que vous êtes titulaire d’un N II, et que vous avez donc été jugé apte par nos moniteurs fédéraux, auxquels j’accorde toute confiance, d’exercer pleinement les prérogatives qu’il confère ;
- d’autre part, qu’un médecin fédéral, dont les compétences ne sont plus à vanter, a estimé, après examen médical, que vous ne présentiez pas de contre-indication à la pratique ;
- et enfin, que vous n’avez pas à souffrir plus longtemps d’une situation parfaitement inéquitable au seul motif qu’une disposition ne sera abrogée qu’en octobre.
Aussi, à situation exceptionnelle, décision exceptionnelle, et je vous confirme donc très officiellement que je prends bien volontiers la responsabilité de demander aux commissions du Comité de vous réserver désormais le même traitement que celui qui est réservé aux autres plongeurs licenciés niveau II (licence, NII, certificat de non contre-indication à la pratique de l’activité considérée, exempt de tout autre visa bien entendu).
Enfin, je me dois de vous préciser que cette décision que j’assume en qualité de Président du Comité Interrégional Pyrénées-Méditerranée ne vaut qu’à l’égard des commissions qui dépendent du Comité que je préside, et ne peut préjuger de la décision du comité directeur national en ce qui concerne l’abrogation de la disposition litigieuse.
Toutefois, le présent courrier ayant un caractère officiel je vous autorise bien entendu à vous en prévaloir.
Vous souhaitant bonne réception et surtout de belles plongées,
Je vous prie de croire, Cher François-Pierre, à l’assurance de mes sentiments sportifs et dévoués.
Pierre DUNAC
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Président de la Commission Juridique Nationale
Président du Comité F.F.E.S.S.M. Pyrénées-Méditerranée
Philippe GRAND, président adjoint de la FFESSM
Philippe GRAND
président adjoint de la FFESSM
en charge du dossier plongée et activités subaquatiques
pour les personnes en situation de handicap
note préliminaire : ce message peut être largement diffusé
objet : le cas de François-Pierre LANGLOIS et ... de bien d'autres
... très long plaidoyer pour ce qui me semble être une injustice !
Vous ne m'avez pas encore entendu sur ce sujet, ce n'est pas pour cela que je ne suivais pas l'affaire, j'ai laissé les réponses s'exprimer sur les mails à la suite des messages de ce plongeur, François-Pierre LANGLOIS, je l'ai évidemment eu au téléphone et nous avons ensuite correspondu par mail, j'ai promis, en tant que responsable, de suivre ce dossier.
Je voulais le faire dans le calme en espérant que le bon sens émanerait de la plupart des réponses reçues ... mais devant certaines réactions, j'ai décidé de vous infliger mes réflexions en tant que chargé du développement de l'accueil des personnes en situation de handicap au sein de nos structures fédérales.
Comme je n'ai pas l'habitude de ne pas dire, vous allez rapidement comprendre mon coup de gueule !
Vous le savez tous, je suis moniteur et formateur habitué à pratiquer, avec la plus grande joie, avec des personnes que la vie a plus ou moins éprouvées et rendues « différentes » aux yeux bien faits du public qui les observe.
Je voudrais donc rappeler certains concepts, à la fois humains et sportifs
Il y a deux grands principes développés autour de la plongée pour les personnes handicapées, nous verrons plus tard qu'il serait beaucoup plus intelligent de parler de situation de handicap dans l'activité que de handicap sociétal reconnu pour la vie professionnelle indépendamment d'une possibilité de pratique sportive.
Le premier de ces principes est le suivant :
« développer le maximum d'autonomie avec les capacités restantes »
ce qui, vous en conviendrez, suppose une analyse et un jugement sur les capacités réelles de la personne et non sur un simple tableau clinique pré-établi pour correspondre au cas le plus général possible qui ne peut évidemment pas tenir compte des cas particuliers voire exceptionnels.
C'est d'ailleurs à l'expérience que le constat peut être fait.
Il n'y a pas une identité « handicapée » et chaque personne a des possibilités différentes ceci est d'autant plus vrai pour les handicap qualifiés de lourds tels que les paraplégies, tétraplégies ou plutôt souvent tétraparésies où les tableaux et capacités peuvent être considérablement différents.
Donc, dans un premier temps, rien ne peut se dire sans étude spécifique, le médecin traitant est sans doute celui qui connait le mieux la personne, et si ce médecin traitant est médecin de plongée que vouloir de plus ?
Si ce médecin qui connait la plongée ne voit pas de contre indication pourquoi aller chercher si par hasard on ne pourrait pas trouver une contre indication cachée qui pourrait ... peut être... à la rigueur... dans certaines circonstances... après un voyage ... dans de l'eau dans on ne connait la propreté ... ou la température ... etc , etc ...
Prendre un avis d'un spécialiste de cette forme de handicap dans les cas où manifestement le médecin se déclarerait incompétent est sans doute une bonne idée mais ... je vous préviens à l'avance, les médecins de rééducation fonctionnelle connaissant la plongée ne sont pas légion !
Ensuite, dans un deuxième temps, les évaluations techniques, elles, ne sont pas du ressort du médecin mais, bien entendu, du moniteur, formé ou non à la plongée handisport, deux cas peuvent se présenter :
- première possibilité :
la personne a besoin dans un premier temps d'être rassurée, d'être prise en main par un moniteur formé à la plongée handi
pourquoi pas, si c'est justifié !
Remarque importante : si après formation dans ce cursus adapté (en ce moment cursus FFH – Fédération Française Handisport) la personne répond aux critères de la plongée standard (valide) qui n'adapte pas les niveaux techniques mais peut permettre d'arriver « autrement » aux mêmes compétences et savoir faire, alors la personne devient « insérable » et elle ne relève plus du cursus spécifique mais peut éventuellement continuer dans le cursus standard FFESSM.
Rappel : les niveaux techniques ne sont pas modifiables pour les personnes handicapées, mais c'est l'évaluation des compétences et savoir faire qui doit être jugée et si la personne les réalise « autrement » cela n'a pas d'importance, c'est le résultat qui compte !
- deuxième possibilité :
la personne peut suivre un cursus standard ...
alors pourquoi la diriger sur un cursus adapté ?
A noter aussi que ces deux solutions en permettant l'accueil de personnes handicapées (pas nécessairement en situation de handicap dans l'activité) pour une pratique partagée aux mêmes horaires, dans le même bassin, avec les mêmes vestiaires, avec le même bar ou resto d'après plongée que les plongeurs valides présentent l'avantage d'être à fond dans la démarche d'intégration
appliquer le contraire serait la négation même de l'intégration !
Le deuxième de ces principes est :
« mise en harmonie du handicap et de l'activité »
il s'agit là de permettre par adaptation personnelle du matériel, aides techniques diverses etc ... de faciliter, en sécurité, la vie du plongeur.
« en sécurité » est important ! par exemple un lest « boulonné non largable » ne sera pas autorisé !
Mais maintenant pour alimenter la réflexion, donnons un autre exemple du côté valide celui-là :
un valide qui ne souhaite pas se « tuer » le dos par les portages successifs, achètera volontiers un sac de plongée à roulettes ou un porte bloc roulant et ce n'est pas pour cela qu'il ne sera pas considéré comme un « vrai » plongeur ... alors même qu'il s'agit d'une aide technique.
avons nous la même approche avec des personnes en situation de handicap ?
car là il y a bien une situation de handicap, le plongeur valide est dans l'incapacité de porter son matériel, il est handicapé face à cette situation ! (c'est le cas, par exemple, du poids du matériel pour la plongée enfant)
Ce préambule passé, venons en à des considérations humaines :
Lorsqu'une personne « handi » fait preuve de suffisamment d'énergie, de volonté, de technicité, de ... rapprochement avec la fédération, notre fédération pour présenter un niveau technique, quelle y parvient, qu'elle est en quelque sorte un exemple de ce que l'être humain est capable de surmonter lorsque la vie lui joue un vilain tour ...
... alors je ne sais pas de quel droit peuvent se prévaloir certaines personnes pour mettre des bâtons dans les roues de cette personne qui n'attend rien d'autre que la reconnaissance de son niveau réel à la valeur qu'elle affiche tous les jours dans sa vie courante et sportive !
Cessons d'être hypocrite et admettons notre modestie dans nos possibilités intrinsèques de jugement et sachons reconnaître ce qui est.
Sachons voir et regarder sans a priori, sans refuge derrière une soi-disant prudence ou responsabilité,
« tu comprends, il faut être prudent ... le principe de précautions ... etc, etc ... »
et là on pourrait bien entendre :
« mais ... que fait la fédé ? »
ma foi, tout bien réfléchi, cette fois, cette question me semblerait tout à coup bien fondée !
Se pose alors une autre question :
« où sont les pionniers qui ont permis à notre fédération d'être reconnue ? »
Rappelons nous il y a quelques années, lorsqu'il s'agissait de lancer la plongée enfant !
Quel parcours du combattant ! et combien de réunions pour qu'enfin ça tourne et que nous soyons exemplaires sur le sujet, comme si cela avait toujours existé au sein de la FFESSM et que surtout ... les petits puissent, enfin, rêver à leur tour !
De grâce, alors que partout s'entend le mot « intégration » ne soyons pas à la traîne avec notre activité de rêve ... mais ... qui ne saurait pas traiter les exceptions !
Nous sommes au coeur d'une activité sportive que peut pratiquer une personne en situation de handicap en quittant son fauteuil ! La seule activité en trois dimensions accessible aux personnes à mobilité réduite, aux plongeurs que j'aime qualifier de « plongeurs autrement »
Pour certains véritablement en situation de handicap cette plongée est rendue possible par un cursus adapté mis au point entre la FFH et la FFESSM, c'est bien ! et cela doit être poursuivi ! j'en suis l'un des fervents acteurs et un des chauds partisans, mais ...
... n'imposons pas cette voie différente de « rattrapage » à ceux qui n'en ont pas besoin. (le mot « rattrapage » n'est pas péjoratif, car il veut bien dire ce qu'il veut dire, c'est à dire une passerelle possible pour rejoindre les autres, les valides !)
Si une personne, sans pour cela avoir un jugement ni plus sévère, ni plus indulgent
« parce qu 'on ne sait jamais ... c'est un handicapé tout de même ... »
fait tout ce qu'il faut, alors sans hésitation permettons à cette personne d'avancer et nous, soyons les moniteurs qui sauront mettre en avant les moyens de la réussite avec un peu plus de perspicacité que le classique :
« je te montre, après tu feras comme moi »
car une personne en situation de handicap demande une approche pédagogique différente mais, tellement enrichissante et fructueuse pour l'avenir et surtout transposable dans bien des situations où la façon habituelle de faire ne fonctionne pas.
C'est en cela que j'ai toujours estimé que cette forme d'interrogation, liée à cette activité, sur le rôle, qui me semble le vrai rôle du moniteur, trouve tout son sens :
« mettre en place une pédagogie différenciée dans le but d'arriver au même résultat »
Alors quelquefois, devant tant de réticences, se pose la véritable question :
Que devons nous faire, nous qui faisons plonger des enfants ou des adultes handicapés moteurs et maintenant handicapés mentaux ?
Devons nous arrêter ?
Je ne le crois pas et en tout cas soyons tous plus ouverts aux autres.
Si quelqu'un de différent répond en sécurité aux critères attendus selon les techniciens qui, répétons le, sont les plus à même de juger des compétences dans les limites données par le ou les médecins, alors deux solutions sont possibles :
- ou les moniteurs se déclarent incompétents, ce qui serait dommage mais recevable, et dans ce cas, ils dirigent la personne vers la structure adaptée avec des moniteurs formés à la plongée handisport.
- ou ils y vont et forment la personne suivant le cursus standard avec éventuellement une réflexion pédagogique « adaptée ».
Mais dans tous les cas on ne botte pas en touche ! en excluant la personne qui, par ailleurs fait preuve d'une longue expérience en plongée, ce qui est le cas de François-Pierre, ceci est proprement intolérable et tellement injuste.
Alors même que François-Pierre, après son handicap, a été jugé apte au niveau 2 sans adaptation, ni indulgence et que de nombreux témoignages attestent de sa parfaite aptitude à son niveau de plongée, on voudrait maintenant lui faire admettre qu'il est plus handicapé qu'il le croit ! ! !
nous nageons réellement dans l'absurde !
Certes il porte la trace de son handicap « récupéré » mais il est opérationnel, marchant, autonome, ayant la sensibilité, sans les tracas urinaires classiques des blessés médullaires, etc , bref une exception ! et ...
... suivi, de surcroit, par un médecin fédéral bien connu au sein de la FFESSM par son implication dans le domaine de la plongée enfant (qui sont aussi des « plongeurs particuliers ») et c'est à cette personne exceptionnelle que notre réponse en forme de sanction est :
« tu comprends, tu ne peux plus plonger comme hier ... parce que tu vas avoir froid ... tu risques de te blesser parce que tu ne sens rien ... tu es limité à une plongée par jour de dix minutes ... etc ... »
On voudrait faire pire dans la non intégration qu'on ne ferait pas mieux !
Nous sommes totalement éloigné de sa réalité physique et de sa vie de plongeur de tous les jours
cessons ce comportement « arriériste » allons de l'avant dans le sens de la société et ...
... soyons honnêtes ! répondons nous, nous mêmes, encore totalement à la hauteur sportive et physique de notre niveau passé il y a ... ?
Devant cette situation qui serait cocasse si elle ne touchait pas au plus profond d'elle-même une personne qui démontre tous les jours sa capacité d'adaptation dans une activité idéale et ...
qui vit pleinement sa passion au sein de notre fédération,
il nous faut réagir et agir.
Je crois, même si tout le monde n'est pas d'accord, qu'il y va de l'honneur et de la crédibilité de notre fédération de savoir reconnaître les exceptions et tendre la main à ceux qui nous regardent partir du port sans oser pousser la porte de nos clubs.
J'aimerais qu'en lisant ces quelques lignes, vous ne me considériez pas comme un donneur de leçons mais plutôt que vous lisiez cela en réfléchissant et en étant convaincus qu'il est grand temps d'éveiller les consciences et qu'enfin le bon sens l'emporte !
Oublions le handicap de François-Pierre puisque ce handicap a été « récupéré », ce qui a une réelle signification sur le plan de la rééducation fonctionnelle et sachons lui dire :
« bienvenu dans notre fédé, dans ta fédé »
puisqu'il ne relève pas de la plongée handi, laissons le plonger tranquille avec nous !
Je vous souhaite à tous d'avoir un jour la chance, comme moi souvent, de plonger avec des personnes comme François-Pierre, Gaby, Jean-Christophe, Vincent, Ludo, Boris, Olivier, Pierre, Jean-Michel, Dominique, Gaëlle etc ... et bien d'autres encore
ils n'attendent que votre main tendue et vous rendront un sourire que vous ne serez pas près d'oublier ...
amitiés à tous
Philippe GRAND